Le pôle « Tracés » du CRCC a pour mission de développer la caractérisation de la matérialité des divers tracés présents sur les objets du patrimoine culturel afin de permettre une meilleure compréhension de leur histoire, de leur procédé de fabrication et de l’évolution dans le temps des matériaux qui les composent afin de participer à leur préservation.
Le terme « tracés » regroupe toute inscription, signe ou symbole présent sur des matériaux supports de différentes natures tels que le parchemin, le papier, le bois, le tissu, la pierre, etc. Ces tracés présentent un intérêt en tant que partie d’un objet global, ils portent dans leur signification et dans leur matérialité une information qu’il est nécessaire de documenter et de conserver.
Les tracés, lorsqu’ils présentent un apport de matière sur un support, peuvent avoir été réalisés à partir d’encre, dont il existe différentes natures, mais également de matière picturale lorsque les symboles représentés montrent une couleur spécifique.
Les recherches du pôle Tracés portent sur l’étude de la matérialité de ces tracés dans des objets du patrimoine culturel afin d’atteindre plusieurs objectifs :
- la révélation et la documentation des tracés, notamment par l’obtention de leur distribution spatiale, pour retrouver les inscriptions effacées ou cachées, conserver l’ensemble des composantes et garantir la pérennisation de l’information qu’ils portent ;
- l’identification des matériaux et des techniques aboutissant aux tracés, et l’utilisation de leur composition pour contribuer à une meilleure connaissance de leur contexte historique ;
- la compréhension des interactions entre les matériaux composant les tracés et leur support, et l’étude des processus de dégradation de ces matériaux afin de participer à leur conservation ;
- le développement méthodologique adapté aux contraintes liées à ces tracés et à leur objet support comme lieu de conservation.
Pour atteindre ces objectifs, nous travaillons à la réalisation de systèmes modèles, avec la reproduction de recettes anciennes d’encres métallo-galliques notamment, et nous mettons en œuvre différentes techniques analytiques telles que les spectroscopies de fluorescence des rayons X, infra-rouge et Raman. L’imagerie chimique est également un point fort de la méthodologie développée dans ces recherches, dans la mesure où elle permet de révéler la distribution des composés identifiés et donc joue un rôle important dans la visualisation des tracés étudiés.
Depuis la création de ce pôle de recherche au CRCC, en 2021, les personnels titulaires qui contribuent à cette activité sont Oulfa Belhadj et Marie Radepont, en collaboration avec des personnels d’autres pôles de l’équipe CRCC ainsi que des deux autres équipes du CRC.
1. L'imagerie chimique de tracés pour la révélation d'inscriptions et de symboles
Les tracés, qu’ils soient inscription, dessin, signe, symbole, peuvent ne plus être accessibles aujourd’hui, volontairement cachés pour perdre l’information qu’ils portent (caviardage), involontairement car le support a été réutilisé pour ses propriétés mécaniques au détriment de ce qu’il portait (palimpseste, fragments dans des reliures de livres ou comme renforts dans des instruments de musique), ou bien dégradés par l’usage de l’objet ou par l’impact environnemental.
Même lorsqu’ils sont invisibles à l’œil nu, des techniques d’imagerie peuvent permettre de retrouver ces tracés. Le pôle « Tracés » participe à diverses recherches permettant le développement méthodologique et l’application de techniques d’imagerie pour la révélation de ces tracés perdus, comme cela a été le cas lors de l’utilisation de l’imagerie de fluorescence X pour relire des partitions collées sur la contregarde d’un livre, ou encore en soutien à la relecture des lettres issues de la correspondance entre la Reine Marie-Antoinette et le Comte de Fersen (projet REX II).
Parmi les projets de recherche ayant pour objectif la visualisation par imagerie chimique d’inscriptions en partie effacées par l’usage et le temps, le projet portant sur la collection d’instruments de musique collectés par Victor Schoelcher et conservés au musée de la Musique de Paris montre l’intérêt de retrouver les informations portées par ces inscriptions pour pouvoir replacer cette collecte dans un contexte historique et géographique précis.
La matière picturale utilisée dans les tracés peut disparaitre (perte de cohésion, abrasion) ou bien changer d’aspect visuel (transformation physique ou chimique), ce qui altère parfois la lecture des dessins et symboles qu’ils représentent. Pour retrouver leur signification, le pôle « Tracés » met en œuvre différentes techniques analytiques, pour caractériser les matériaux originaux utilisés et notamment retrouver leur distribution et leur apparence, comme lors de la relecture de blasons perdus sur des instruments de musique fabriqués par Andrea Amati.
2. L'identification de la composition des encres métallo-galliques pour une meilleure connaissance du contexte historique de la réalisation des tracés
L’analyse de la matérialité des tracés permet notamment d’identifier la composition chimique des matériaux originaux utilisés, ce qui alimente la connaissance du contexte historique de leur réalisation et permet l’étude de leur conservation, en collaboration avec des collègues historiens, conservateurs et restaurateurs.
Dans l’étude des encres métallo-galliques en particulier, l’équipe CRCC a une longue expérience de ces matériaux, de leur histoire, leur fabrication et leur évolution. Le pôle « Tracés » collecte, par l’analyse physico-chimique de ces encres, des informations permettant de répondre à des questions soulevées par leur utilisation.
La comparaison de la composition chimique d’encres ferro-galliques de différents objets ou différentes époques, en particulier les concentrations des éléments métalliques tels que le fer, le cuivre et le zinc, permet des regroupements d’inscriptions pouvant être liés par des paramètres divers.
Des manuscrits provenant du Mont Saint-Michel (Xe-XIe siècles) ont été une source particulièrement riche d’informations matérielles et historiques (projet EMMA). En particulier, l’analyse des encres utilisées dans les écritures de plusieurs de ces manuscrits a permis l’observation d’un changement majeur de composition entre deux périodes chronologiques, interrogeant la fabrication des encres et leur approvisionnement vers les centres d’écritures.
Lors d’un projet réalisé sur des outils en bois provenant de l'atelier de Stradivari, à Crémone, et conservés au musée de la Musique de Paris, l’étude de la composition chimique des encres a posé des questions sur la distinction des auteurs de différentes inscriptions.
L’étude de papyrus et parchemins mérovingiens, en particulier l’analyse des encres utilisées sur ces différents supports et en fonction du type d’acte réalisé (royal, privé, etc.), sera également l’occasion de replacer l’étude de ces matériaux dans un contexte historique et géographique particulier (projet PapMedAn).