Les Vitriols au Moyen Âge : entre archéologie expérimentale et physico-chimie des procédés (thèse 80Prime, CNRS en partenariat avec le LaSIE, l’IRAMAT et l’IRHT)
Coordination : Véronique Rouchon
Personnes impliquées : Oulfa Belhadj, Marie Radepont, Clément Vuillard (doctorant)
Durée : 2020-2023
Les sulfates métalliques constituent une très large famille de composés physio-chimiques, connus et utilisés en pharmacopée depuis l’antiquité, et auxquels sont attribuées, selon les périodes, différentes appellations : atramentum, vitriol, couperose, alun, etc. Ces composés, qui ont tous des propriétés astringentes (dues aux sulfates), ont également joué un rôle majeur dans l’industrie de la teinturerie et du tannage des cuirs. On peut les trouver à l’état natif, mais, compte tenu des besoins de la société, ils ont, dès l’antiquité, été préparés, en périphérie des zones minières, selon des procédés qui ont largement évolués. En plus de l’utilisation des eaux de résurgences décrite par Pline, ont été mises en place des techniques de fabrication qui utilisent le minerai brut, riche en sulfures. Ces procédés de fabrication et de purification restent toutefois sommairement décrits et largement méconnus dans leur détail.
Cela vaut tout particulièrement pour les sulfates de fer qui ont été utilisés pour la fabrication des encres d’écriture de l’antiquité à l’époque moderne. On les associe souvent à la mélantérite (FeSO4 7H2O), un point de vue particulièrement réducteur, qui méconnait la complexité des systèmes solides combinant sulfates et métaux. Il existe de nombreuses phases qui ont l’apparence de sulfates de fer sans en être entièrement. Ainsi, la goslarite, un sulfate de zinc (ZnSO4∙7H2O), présente le même aspect que la rozénite, un sulfate de fer (FeSO4∙4H2O) qui s’obtient aisément par transformation de la mélantérite. De plus, la mélantérite, la goslarite et la boothite (CuSO4∙7H2O) sont des phases partiellement miscibles, si bien qu’une concrétion de sulfate de fer (sorte de stalactite) peut contenir une certaine proportion de zinc ou de cuivre, sans que ce soit notable à l’oeil. Les travaux de recherche menés depuis les années 80 autour des drainages miniers acides et de l’exploration de la planète Mars ont largement contribué à une meilleure connaissance des différentes phases cristallines combinant sulfates et métaux. Toutefois, les conditions de formation de ces phases dans un contexte archéologique où l’homme cherche à les fabriquer avec les outils du Moyen Âge, n’ont, à notre connaissance, jamais été explorées
Ce projet de thèse vise à apporter les connaissances physico-chimiques fondamentales nécessaire à une meilleure interprétation des textes anciens relatifs à la production des vitriols. Il s’agira de reproduire, dans des conditions de laboratoire, certains procédés de fabrication du vitriol mentionnés dans les traités disponibles, généralement ambigus dans leurs dénominations au regard de la chimie actuelle, de manière à mieux interpréter la nature des produits obtenus. Une attention particulière sera portée aux phénomènes de saturation des solutions salines préparées et aux diagrammes d’équilibres des différentes phases précipitées selon les paramètres physicochimiques des solutions (pH, température, concentrations, etc.). Cette approche sera complétée par une démarche d’archéologie expérimentale visant à reproduire les procédés anciens de fabrication des vitriols dans des conditions plus proches de la réalité sur la plateforme de Melle.