Le premier problème sur lequel nous nous sommes penchés, dès 1953, a donc été celui de la désinfection : il fallait trouver une méthode qui fût capable de lutter à la fois contre les micro-organismes, les insectes et les bactéries, sans pour autant mettre en péril le document. L’oxyde d’éthylène utilisé dans l’agroalimentaire et dans le domaine chirurgical répondait à ces critères, mais il convenait de définir un protocole adapté aux biens culturels. Ce procédé a été utilisé pour la première fois en 1967 et 1968 pour sauver nombre de documents précieux lors des grandes inondations de Venise, Florence et Lisbonne. L’usage de ce gaz est actuellement remis en question, en raison de son caractère très toxique pour l’homme. Malheureusement, aucun substitut n’ayant été trouvé à ce jour, l’oxyde d’éthylène est toujours utilisé, mais selon un protocole différent, extrêmement strict et respectueux de la santé publique et de l’environnement. Nos travaux sur l’oxyde d’éthylène nous ont très vite conduits à nous interroger sur l’innocuité des traitements de conservation à l’égard des différents constituants du livre. C’est dans cette voie que le CRCDG a joué au cours des années 1960 un rôle de pionnier, en établissant une méthodologie, applicable à tous les matériaux, qui est aujourd’hui normalisée et répandue dans tous les pays.
Les recherches menées sur le papier ont été très nombreuses, l’environnement néfaste auquel il est trop souvent exposé étant à l’origine de multiples détériorations qui peuvent prendre des formes variées. La pollution atmosphérique, en particulier, provoque une hydrolyse acide de la cellulose, principal constituant du papier. Des méthodes chimiques ont été mises au point, afin de pouvoir neutraliser ces acides, et conférer au document une protection contre les altérations futures. Cette désacidification se pratique en immergeant les feuilles les unes après les autres dans une solution basique ; mais, bien conscients que seul un traitement de masse pourrait sauver l’immense quantité de documents en péril, nous avons élaboré un procédé permettant de traiter en une seule opération un nombre important de livres sans les dérelier. Ce procédé ainsi que d’autres sont utilisés avec succès depuis de longues années dans le monde entier. Le renforcement des papiers dégradés a également fait l’objet de nombreuses recherches qui ont abouti à des applications pratiques dans les ateliers de restauration.
Les problèmes posés par le cuir et le parchemin concernent à la fois la restauration et la conservation. Nous avons essayé de mieux comprendre les différents mécanismes de dégradation du cuir, pour être à même d’élaborer des traitements adéquats ; c’est ainsi que, par exemple, pour combattre l’assèchement du cuir, deux formules de cire, qui ont fait l’objet de brevets, ont été proposées aux amateurs de livres anciens ; leur action combinée, à la fois protectrice et nourrissante, augmente l’espérance de vie des reliures. Le parchemin, qui est pourtant un matériau très résistant, subit lui aussi trop souvent des altérations dues à un environnement mal adapté : les travaux sur le renforcement, le nettoyage et l’assouplissement ont apporté des solutions dans bien des cas. Nos recherches se sont étendues au sauvetage des objets archéologiques en cuir, particulièrement ceux que l’on retrouve en milieux gorgés d’eau et qui nécessitent des soins spécifiques. La mise au point d’une technique d’assèchement par lyophilisation a permis de disposer d’un matériel stabilisé présentant un aspect extrêmement satisfaisant et pouvant être présenté au public. Ce nouveau procédé de lyophilisation est aujourd’hui utilisé, à grande échelle et avec succès, pour assécher des documents graphiques, des livres et des liasses d’archives sinistrés lors des inondations.
Le domaine de la photographie a été abordé plus tardivement, dans les années 1980.Nos efforts ont porté sur l’amélioration de la conservation, plutôt que sur la restauration. Nous nous sommes de préférence attachés, comme pour le cuir, à étudier en détail les mécanismes de détérioration de certains phototypes anciens et contemporains et notamment les procédés sur supports instables, tels que les nitrates et les acétates de cellulose. Cependant, l’accent a été mis sur les mesures préventives à mettre en œuvre pour protéger les collections. Des méthodes ont été définies pour évaluer la qualité du traitement de développement afin de s’assurer que les produits chimiques utilisés ont bien été éliminés et ne risquent pas d’endommager ultérieurement l’image. Les recherches ont été également orientées sur le choix des contenants et des émulsions les mieux adaptés à une conservation de longue durée.